Discours

1 - Le bonheur en famille La publicité McDonald's s'appuie continuellement sur la notion de crise des institutions sociales et surtout familiales. L'enfant apparaît le plus souvent abandonné par son père ou sa mère qu'il retrouve à travers Ronald donc à travers McDonald's. La firme se place alors comme un ami idéal, toujours présent et apte à satisfaire l'ensemble de ses besoins (nourriture, jeux, etc.). Une publicité montre, par exemple, un bébé sur une balançoire. Le bébé sourit lorsqu'il voit les deux arches et pleure lorsqu'elles disparaissent. Le "M" devient alors vecteur de rire et de bonheur. McDonald's joue ainsi sur l'absence des parents et la marque s'approprie ouvertement le signe universel du rire. La firme vend alors directement "du bonheur McDonald's" aux enfants (capables de très vite reconnaître l'enseigne de la marque). L'enfant est devenu le seul point fixe de la famille alors qu'elle ne cesse de se recomposer. McDonald's se présente comme le lieu privilégié pour se retrouver et apparaît également comme un substitut du lien humain. Ainsi, une publicité montre un grand-père perdu devant son hamburger. Il découvre, en observant son petit fils, comment manger avec les mains. McDonald's est donc présenté comme un lieu convivial, propice à la communication et la réunion de la famille. Ce sont les plus jeunes, sensibles au changement (opposition avec le grand-père ), qui apprennent le plus vite. Les adultes (et même les plus âgés) s'initient par mimétisme. L'espace du restaurant devient alors idéal pour que la famille puisse enfin se retrouver autour du rite d'un repas McDonald's. Fidèle à sa position, la firme est toujours à l'écoute des enfants et le passage dans un McDonald's ou l'achat de l'un de ses produits doit apporter du bonheur. Par exemple, un autre film publicitaire montre une petite fille apparemment seule, assise sur les marches d'un escalier. Elle s'ennuie malgré ses nombreux jouets et téléphone au clown Ronald (ère de la communication) pour avoir un Happy Meal. Visiblement, elle cherche un réconfort dans l'alimentation : " Allô Ronald ? J'aimerais bien avoir un Happy Meal et ton nouveau dessert la Ronaldise ". La publicité s'achève sur l'apparition du père (analogie avec Ronald ) avec bien entendu le fameux Happy Meal : " Ho, Ho ! j'ai une surprise pour ma chérie ! son menu préféré ! Le Happy Meal ". L'enfant ne voit que l'emballage avec le slogan : "Le menu Happy Meal, avec son nouveau dessert, est toujours à 25 francs". Ronald reste toujours disponible, contrairement aux parents qui sont de moins en moins présents. On s'adresse alors au clown comme à un ami avec qui on voudrait jouer et à qui on peut faire des confidences. Le message s'adresse aussi aux parents comme s'il leurs suffisait d'offrir un Happy Meal pour pouvoir racheter leur absence et être aimés. McDonald's devient alors un substitut du bonheur. Le menu McDonald's apparaît comme une valeur de générosité, d'amour et de modernité en jouant sur des thématiques très fortes comme la solitude ou l'enfance. Le restaurant est aussi le lieu pour renouer les liens familiaux. Un film publicitaire montre une famille qui se déchire au sujet de l'achat d'un blouson pour leur enfant. Les parents finissent bien sûr par céder. Ils se réconcilient en mangeant chez McDonald's. Le message est clair : venez chez McDonald's avec vos enfants, le bonheur en famille est garanti. La publicité joue aussi sur le plaisir de transgression des interdits, non seulement au niveau du repas lui-même (manger n'importe quand, dans n'importe quel ordre et avec les doigts ), mais aussi avec la mère présentée comme un être autoritaire : bravant les interdits, l'enfant commande depuis chez lui avec sa voiture télécommandée un menu à emporter. Il entend soudainement le pas de sa mère (gardienne de l'ordre ) et ne peut s'en tirer qu'en lui cachant son hamburger. Capable de tous les stratagèmes pour obtenir son menu et échapper à la " prison familiale ", l'enfant désobéit à sa mère pour aller vers McDonald's toujours présent. La firme a toujours mis en avant cet aspect de transgression qui fuit les conventions du repas traditionnel familial, pouvant être vécues comme fortement contraignantes pour l'enfant. Mais la famille McDonald's est virtuelle. Elle constitue une réunion d'individus indifférents qui changent selon les publicités. Elle est censée représenter toutes les communautés. Elle évolue comme une famille réunissant des partenaires cohabitants plus ou moins longtemps ensemble. McDonald's n'a pas choisi les personnages d'une famille fixe et représentative (c'est à dire un même père, une même mère et des enfants que l'on retrouve dans chaque spot ). Il montre au mieux des binômes (père et enfant si possible). La mère est absente du foyer mais aussi de l'imaginaire. Trop "protectrice", elle résiste encore à l'invasion de la cuisine moderne et refuse la mort de l'alimentation familiale. Ami idéal, McDonald's se place comme un restaurant convivial, lieu de réunion de la famille, de plus en plus éclatée. Lieu à part, McDonald's est un espace de liberté où tous les interdits du repas traditionnel peuvent momentanément être transgressés, tranchant ainsi avec le quotidien du cercle familial jugé contraignant.