Existe t-il des règles pour la représentation
de l'espace dans une caméra subjective ?
L'espace
subjectif se trouve lié à l'imagination. En
quoi cet espace diffère t-il des autres ?
Toute représentation
est
subjective à partir du moment où celui-ci est dépendant
de la pensée, de l'affect. Les premières représentation
du monde datent de l'apparition de l'homme : les
dessins, dans la grotte préhistorique, des chasseurs
voulaient représenter leur espace. A travers ces
dessins, ces chasseurs transmettaient leurs visions
du monde, en dessinant les animaux qu'ils chassaient
telle qu'ils les perçevaient. Ces représentations
subjectives reflétaient, par exemple, les peurs de
certains animaux ou la manière de les chasser ou de
les trouver. De telle représentation sont visible
dans le grotte de Lascaux et l'art de Lascaux
dissimulent des messages codifiés enfouit dans l'obscurité
de la grotte la mythologie, les croyances et les pensées
des ces hommes. Existe t-il, alors, des règles de
représentation d'un espace subjectif ?
La
vision humaine possède des caractéristiques
objectives, scientifiques ; transcrire cette vision
dans l'art impose, sans doute, donc quelques
restrictions. Le champ visuel d'un être humain est d'environ
de 60 à 80° dans toutes les directions. Ce champs
est équivalent, par exemple en photographie à une
focale de 50mm. La représentation d'un espace
subjectif doit-elle retrouver ses caractéristiques ?
La vision humaine nous fait percevoir un espace en
trois dimensions et ainsi créer un relief. Oter de la troisième dimension l'image
subjective peut-elle faire percevoir un espace
subjectif ?
Des expériences ont été tenté au cinéma.
A.Hitchcock dans Le crime était presque parfait,
a filmé en relief. Les règles de composition d'une
espace tridimensionnel sont-elles ici inutile du fait
de la troisième dimension ? Il s'avère que le film
utilise ces même règles, à savoir la construction
d'un triangle avec 1er plan, 2ème plan et arrière
plan et nous avons plus la sensation de trois espace
indépendant que d'un seul tridimensionnel. Et le film, une
fois visionné avec un seul projecteur retrouve un
espace cinématographique.
Quelques
films
expérimentaux travaillent sur la caméra subjective
et l'espace de vision humain. P.Harel, en 1997, dans La
femme défendue, raconte l'évolution d'une
relation amoureuse à travers son regard, le film se
découpe autour des rencontres avec I.Carré. Lors de
ces rencontres, le réalisateur introduit, par
exemple, des plans de coupe sur des clients des bars
; or nous nous apercevons que ces personnes (filmés
avec la même focale et la même échelle de plan que
I.Carré), sont situés dans l'arrière de l'actrice.
De ce fait, il fragmente son espace de vision humain,
pour le perdre dans un espace quelconque, sans homogénéité.
Cette absence de liaison de l'espace rend le regard
humain indéfinissable, quelque part entre le regard
du réalisateur, du spectateur et du personnage.
La création d'un espace subjectif oblige,
en quelque sorte, à connaître le corps regardant.
Les Minines de Velasquez offre un magnifique exemple
de vue subjective. Dans ce tableau, les personnages
du 1er plan et le personnages de l'arrière plan nous
regarde (nous en tant que spectateur d'un tableau).
Le miroir au fond de la pièce nous renvoie le
portrait d'un couple. L'infante Marguerite et le
miroir sont le centre de l'uvre. Velasquez,
peint la famille royals, dont nous portons le regard,
en se représentant lui-même dans son uvre. Le
spectateur est un corps regardé (par le peintre et l'infante)
et regardant (notre vision sur le tableau).
Le
miroir
semble être un moyen permettant de se situer dans l'espace
et connaître le corps regardant. La comparaison de
deux uvres : le diptyque de Maarten van
Nieuwenhove de Menling et Paris, Texas de W.Wenders,
est intéressantes dans la mesure ou chacune d'elle
se pose la question de la place du spectateur dans l'uvre
et dans son espace.
Menling, dans le diptyque portrait,
nous montre la scène depuis le monde réel à
travers les encadrements, complétée par la scène
que réfléchit le miroir derrière la Vierge. Nous
avons, ainsi un double point de vue : la représentation
spatiale par le tableau et la disposition des
personnages l'un vis à vis de l'autre et où se
situe son propre point de vue par rapport à eux deux.
La position de trois quarts du volet droit est l'image
que le peintre (et le spectateur) a lorsqu'il se
trouve juste devant la Vierge et tourne la tête à
droite. On peut dire que la position du spectateur à
proximité de la Vierge est la même que celle de l'homme
représenté mais que l'un regarde de face, et l'autre
de profil.
La célèbre scène au Peep-show de Paris,
Texas est un magnifique exercice sur le regard.
Durant cette scène, Travis (Harry Dean Stanton)
retrouve sa femme Jane (Nastassja Kinski) qu'il avait
quitté quelques années plus tôt, et lui raconte
leur histoire. Jane est incapable de voir Travis dans
la mesure où elle se trouve derrière un miroir
sentint. Travis, dés le debut de l'entretien, fuit
le regard de Jane en se détournant de la vitre.
Durant le monologue de Travis, Jane réagit à l'histoire
à travers, précisement, un plan où elle parle face
caméra. De ce plan peut découler plusieurs interprétation
: N.Kinski se regarde dans le miroir, mais le son
laisse entendre le contraire (le micro est placé du
côté de Travis) ; c'est donc l'utilisation de la
caméra subjective en tant que caméra mental :
montrer une image imaginé par un personnage.
L'homme est citoyen de deux réalités,
du monde matériel, objectif avec lequel il coexiste,
part intégrante de son vécu : cette remarque de F.J.J
Buytendijk (1887-1974, psychologue hollandais) semble
s'adapter au film de W.Wenders. Les deux exemples
montrent la compléxité de l'utilisation de la caméra
subjective qui se substitue au regard humain ; dans
le cas du dyptique, le miroir a pour fonction la
compréhension d'un espace et ainsi situer le regard
alors que Paris, Texas, la caméra subjective est
conscience du personnage qui imagine son propre
espace, et qui fuit le regard.
Une
autre utilisation de la caméra subjective, comme corps
regardant, est la caméra semi-subjective (terme
utilisé par G.Deleuze dans L'image-mouvement) : la
caméra s'efface au profit du personnage, le complète
à ses côtés. Les caractéristiques scientifiques
de la vision humaine sont alors moins primordiale
pour retransmettre le regard. C'est notamment le cas
de nombreux plan-séquence qui accompagnent un
personnage et l'inscrit dans son espace. Dans le film
de M.Scorsese, Les affranchis, R.Liotta fait
découvrir ses relations et son pouvoir à sa petite
amie à travers la traversé des coulisses, couloirs,
cuisine et la grande salle d'une boite de nuit. Ce
plan est filmé en plan-séquence, et celui-ci s'inscrit
dans le cadre d'une caméra semi-subjective dans la
mesure où le parcours fluide de l'espace par le
spectateur montre d'autant plus la puissance que le
personnage veut faire ressentir ; de plus durant
quelques secondes le personnage sort du champs pour
laisser seule la caméra déambuler dans la salle et
ainsi intégrer le spectateur dans son espace maîtrisé.